“Regul” - Lettre D’Information de L’Ucij

« Regul » s’adresse à tous les militants solidaires des migrants. Ce bulletin les tiendra informés, en phase avec les événements et les réformes du droit des étrangers envisagées par le gouvernement, notamment la future circulaire de régularisation et sa mise en œuvre

Elle EST Arrivée, Le Flyer !

La circulaire de régularisation tant attendue a été publiée le 28 novembre 2012. Est-elle à la hauteur des espoirs que son annonce avait suscités chez tant de personnes ? Clairement non.

On pouvait espérer qu’elle créerait au moins une véritable rupture avec la politique de l’ère Sarkozy. Au lieu de cela, on retrouve dans la bouche du ministre de l’intérieur du nouveau gouvernement presque les mêmes propos que dans les précédents ministres de l’immigration. Brice Hortefeux a parlé de critères de régularisation « sévères mais humains » ; Manuel Valls des critères « exigeants mais justes »…

En fait, cette circulaire n’est pas vraiment une circulaire de « régularisation » ; il précise les interprétations du droit en vigueur, invite les préfets à tenir compte des décisions de justice (jurisprudence), mais n’ajoute à la réglementation en vigueur aucune catégorie d’étrangers pouvant bénéficier d’un titre de séjour. L’arbitraire restera donc la règle dans le traitement des affaires.

Lors de la présentation de ce texte, M. Valls a également déclaré qu’il ne devrait pas y avoir plus de régularisations qu’avant, soit environ 30 000 par an. Comme le choix n’était pas de changer la loi mais juste de publier une circulaire (une circulaire ne crée pas de droits réels), il sera facile à tout moment de ralentir, voire d’arrêter les régularisations, pour rester dans cette limite chiffrée. .

Mais autant être possible d’appliquer très largement les critères énoncés, et de procéder à des régularisations – sans forcément le clamer très haut – au-delà du quota fixé : tout dépendra donc du rapport de force que les sans-papiers et les défenseurs de la les droits des étrangers sauront créer.

L’objectif de ce bulletin, Règlement n°2, est d’aider les un⋅e⋅s et autres à mesurer l’intérêt pour eux et pour eux de rechercher ou non à bénéficier de cette circulaire, et de contribuer à un regard citoyen sur l’application de cette « régularisation ».

Les personnes concernées par cette nouvelle circulaire

1 – parents d’enfants scolarisés

5 ans de présence + 3 ans de scolarité pour un enfant + maîtrise orale élémentaire de la langue française (Pour les parents séparés, le parent qui ne vit pas avec l’enfant doit prouver qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant )

2 – les conjoints d’étrangers en situation légale

5 ans de présence + 18 mois de vie commune

3 – les mineurs devenus majeurs

A. Jeune majeur arrivé en France avant l’âge de 16 ans 1) en famille :
arrivé avant 16 ans + scolarisé depuis au moins 2 ans + études régulières et sérieuses + la plupart de ses liens privés ou familiaux en France + aux frais réels de sa famille -> titre « vie privée et familiale » 2) sans lien familial en La France
arrivé avant 16 ans + études supérieures assidues et sérieuses en cours → possibilité de titre « étudiant »

B. Jeune adulte arrivé après 16 ans 1) en famille : le
toute la famille en France et en situation régulière + engagé dans un parcours scolaire assidu et sérieux + à la charge effective de sa famille -> possibilité d’une carte « vie privée et familiale » »
Ne remplissant pas les critères de régularisation -> possibilité d’une « carte de séjour temporaire » (APS) pour terminer un cycle scolaire entamé

C) mineurs non accompagnés majeurs après avoir été pris en charge par l’ASE a – Rappel de la réglementation :
Couverture ASE (Aide Sociale à l’Enfance) moins de 15 ans -> nationalité française (Code civil, art 21-12)
Accompagnement ASE avant 16 ans -> titre vie privée & familiale (CESEDA L313-11 2°bis)
Accompagnement ASE entre 16 et 18 ans + engagés dans une formation professionnelle qualifiante -> carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur » » (CESEDA L313-15) b – Ajout de la circulaire :
Accompagnement ASE entre 16 et 18 ans + études secondaires ou universitaires suivies « avec diligence et sérieux » -> possibilité d’un titre de séjour « étudiant »

4 – ouvriers

cas général : 5 ans de présence en France + un contrat de travail ou une promesse d’embauche + ancienneté dans le travail salarié soit 8 mois (consécutifs ou non) au cours des 2 dernières années ou 30 mois (consécutifs ou non) au cours des 5 dernières années » Exceptionnellement » : 3 ans de présence + 2 ans d’activité professionnelle dont 8 mois (consécutifs ou non) dans les 12 derniers mois

travail au noir ou au chômage : 7 ans de présence + 12 mois de travail sur les 3 dernières années -> possibilité d’un récépissé de carte de séjour temporaire avec autorisation de travail, renouvelable une fois, pour permettre la recherche d’un emploi

travail temporaire et à temps partiel (comme les travailleurs à domicile): possibilité de fournir des chèques emploi-service comme preuve d’emploi. Une rémunération inférieure au SMIC mensuel peut « être appréciée avec bienveillance ».

Quelques points à souligner

En principe, une OQTF, même immédiatement exécutable (c’est-à-dire datant de moins d’un an) ne fait pas obstacle à l’instruction d’un dossier dans le cadre de la circulaire. Cependant, le risque d’être interpellé à la préfecture n’est pas nul… Il vaut sans doute mieux attendre

l’OQTF a plus d’un an.

La circulaire concerne aussi les Algériens et les Tunisiens (normalement exclus de la régularisation « par le travail », mais elle précise que leurs demandes seront exceptionnellement satisfaites. Elle ajoute qu’il en est de même pour les Marocains.

Preuve de la durée du séjour sur le territoire : deux justificatifs de présence par an, ce justificatif devant être « certain » (c’est-à-dire des documents produits par une administration – ex : impôts, sécurité sociale, hôpitaux, écoles ou universités.. .). D’autres documents peuvent cependant être pris en compte : des justificatifs « réels » (documents produits par un organisme privé – ex. quittances de loyer, relevés bancaires, etc.) etc.).

La maîtrise orale de la langue française et « l’insertion dans la société française » sont des critères présentés comme très importants. Les agents des préfectures sont chargés d’évaluer ces deux points. NB. On a déjà vu des refus au guichet simplement parce que la personne, ou l’un des deux conjoints d’un couple, ne parlait pas assez bien le français…

Une histoire à suivre

1. La circulaire laisse intact le pouvoir discrétionnaire des préfectures

On nous a parlé de critères « objectifs » et « transparents ». Cependant, des éléments tels que « une maîtrise orale de la langue française », « des études poursuivies avec sérieux », « un nombre important de fiches de paie » ne sont en aucun cas des éléments objectifs.

Dans la circulaire, des expressions comme « à titre exceptionnel » ou « en application de votre pouvoir discrétionnaire » apparaissent régulièrement. Il est répété tout au long du texte aux préfets qu’ils « peuvent » et non qu’ils « doivent » régulariser (« vous pourrez délivrer un titre de séjour », « vous pourrez évaluer favorablement »…)

2. La mise en œuvre de la circulaire appelle à notre pleine vigilance

L’un des objectifs affichés de la circulaire était d’harmoniser les pratiques. Mais on voit déjà les services s’organiser de manière très diverse (ici on ouvre un centre d’accueil spécial, là on établit une liste de documents à fournir, ou un formulaire spécifique de demandes sur la base de la circulaire… )

Des demandes abusives de documents ou des pratiques de refus au guichet ont déjà été observées. D’autres dysfonctionnements seront sans doute constatés dans les semaines et les mois à venir.

Règlement n°1 - Une régularisation annoncée : mais laquelle ?

Nous avons l’habitude de simuler les régularisations, qui profitent à peu de sans-papiers. Nous sommes aussi habitués à l’arbitraire de l’administration, à des situations identiques qui conduisent à des décisions opposées, à des pratiques différentes d’une préfecture à l’autre. Le ministre de l’Intérieur prépare sa circulaire de régularisation annoncée pour bientôt. Elle tiendrait compte notamment du travail, des liens familiaux, de la scolarité des enfants et de la durée de présence, selon le ministre. Au vu des résultats décevants des deux premières circulaires Valls – Roms et assignation à résidence pour les familles avec mineurs – pour le moins, il est dans l’intérêt de rester vigilant et mobilisé. Il y a beaucoup de parlementaires de gauche, y compris des socialistes, qui se sont mobilisés dans le passé avec nous contre les nombreuses lois sarkoziennes, le harcèlement des migrants et les expulsions. Ils ont participé à des parrainages, signé des lettres de soutien aux familles, interpellé les préfets contre les atteintes aux droits et libertés fondamentaux. Beaucoup de ces parlementaires constituent aujourd’hui la majorité. Appelez-les ! Toute expulsion, toute violence contre les migrants est aussi inacceptable sous la présidence de Hollande qu’elle l’était à l’époque de Sarkozy. Comme nous l’avons vu dans nos bureaux, l’attente des sans-papiers de voir leur situation régularisée est forte. Nous les accompagnerons, qu’ils répondent ou non aux critères de la future circulaire. L’expérience montre que ce sont les luttes, la mobilisation qui permettent d’obtenir des régularisations, d’empêcher les expulsions, de faire avancer les droits des migrants. Nous vous tiendrons informés dès que de nouvelles informations nous parviendront.

*** Pour la reproduction et la diffusion sur papier, vous pouvez utiliser le format .pdf ci-joint

Le Collectif UCIJ

L’UCIJ, a été créée en 2005, lors de l’annonce des premières lois Sarkozy. Ce collectif se réunit chaque premier lundi du mois. Pour tout contact, voir le site www.contreimmigrationjetable.org