Lettre Ouverte de L’Ucij Aux Parlementaires

Projet de loi « Immigration, Intégration et Nationalité »

Appel à la conscience et à la responsabilité des parlementaires

chère

Lorsque vous allez prendre la décision de voter ou de rejeter le projet de loi « Immigration, Intégration et Nationalité », les organisations associatives, politiques et syndicales de l’UCIJ (Unis contre l’immigration jetable) vous invitent solennellement à la réflexion.

En effet, il ne s’agit pas d’une banale réforme de la réglementation relative aux étrangers mais d’un tournant en faveur duquel la France institue des régimes d’exception permanents à l’encontre des étrangers et renonce au principe d’égalité des êtres humains inscrit dans la Constitution et dans tous les textes internationaux qui , au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s’est efforcé d’interdire le racisme d’État.

Cependant, le projet de loi franchit cette étape. Si vous l’approuvez, vous approuverez également de nombreuses discriminations fondées sur l’origine. Vous mettez en cause les fondements mêmes de notre République et de sa Constitution. Votre vote engage fortement la France et sera surveillé par l’ensemble du peuple, dont vous tirez la légitimité de votre mandat.

Nous souhaitons attirer votre attention sur les points les plus intolérables de ce projet

Une neutralisation de la justice pour mieux expulser

Peut-on accepter sans sourciller que des étrangers puissent être éloignés sans que leur situation ait été examinée par un juge judiciaire, protecteur des libertés individuelles ?

C’est ce que prévoit le gouvernement lorsqu’il prévoit que les étrangers placés en détention ne verront le juge des libertés et de la détention que cinq jours (48 heures aujourd’hui) après avoir été privés de leur liberté. Dans la mesure où il sera possible de les reconduire à la frontière dès que le juge administratif aura décidé, qui aura préalablement statué sur la légalité de la mesure d’éloignement, de nombreux éloignements seront effectués sans aucune comparution et contrôle par le juge. judiciaire.

Cette situation place les étrangers en attente d’éloignement dans une situation exceptionnelle par rapport à tous les autres justiciables qui, en cas de privation de leur liberté d’aller et venir, ont droit à un contrôle rapide par une instance judiciaire du bien-fondé de cette décision administrative.

Cette neutralisation des garanties judiciaires par le gouvernement est cohérente avec la pression « productiviste » qu’il continue d’exercer sur la police ou les préfets en matière d’éloignement. Pour « faire des chiffres », il doit éliminer tous les freins à volonté. Ne trouvez-vous pas inquiétant que cette frénésie aille jusqu’à écarter le juge judiciaire qui est constitutionnellement le gardien des libertés individuelles ?

Européens moins européens que les autres : les pauvres

Il ne vous aura pas échappé que certains Européens sont dans le collimateur du gouvernement. Une nouvelle disposition interdit aux Européens de passage de « devenir » une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale. Aujourd’hui, cette injonction ne s’adresse qu’aux Européens résidant en France. La directive de 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement prévoit qu’il est possible de « restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ». Mais que « ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques » (art. 27).

Il est évident que ce sont les Européens pauvres qui sont visés, principalement les Roms de Bulgarie et de Roumanie. Mais pas seulement. Rien ne le montre mieux qu’une autre disposition selon laquelle peuvent être expulsés les Européens dont « le séjour constitue un abus de droit », à savoir les renouvellements de séjour de moins de trois mois « dans le but de rester sur le territoire lorsque les conditions requises pour un séjour de plus de trois mois ne sont pas remplies ». L’abus de droit correspond également au « séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence ».

Conclusion : quelle que soit leur nationalité, l’ennemi visé par l’ensemble du projet de loi est fondamentalement les pauvres. Dans un monde où les pauvres sont majoritaires, est-il réaliste de n’ouvrir les frontières qu’aux nantis ou à ceux qui seraient économiquement rentables (immigration choisie) et de les fermer à ceux qui ont besoin de nous ? Cette discrimination introduite dans la limitation de la liberté de circulation de certains Européens sur la base de leurs revenus matériels réels ou supposés ne correspond-elle pas à une conception de l’Europe fondée sur le recensement ? D’autres réformes, qui avaient les mêmes objectifs, ont amplement montré leur impuissance.

Des patients renvoyés dans des pays où les soins leur sont inaccessibles

En toute conscience, accepterez-vous que la France puisse refuser un titre de séjour à des étrangers gravement malades résidant sur son territoire, et donc les expulser à un moment ou à un autre, même s’ils viennent de pays où l’on sait que les soins sont inaccessibles ?

Allez-vous faire passer une loi qui affectera gravement le droit à la vie de ces personnes et la santé des populations ?

Le projet de loi, en effet, prévoit que le séjour ne sera désormais autorisé que pour les patients « w

son état de santé nécessite des soins médicaux dont l’échec pourrait entraîner des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour lui, sous réserve de l’inexistence d’un traitement approprié dans le pays d’origine », alors qu’actuellement il est nécessaire que ce patient « ne puisse bénéficier efficacement de un traitement » dans ce pays. On voit bien la différence : si vous approuvez le texte, l’existence d’un seul établissement de santé dans le pays exemptera la France de toute couverture, même s’il est bien connu que l’offre de soins n’est pas disponible en quantité suffisante ou que les établissements de santé sont inaccessibles pour des raisons de distance ou de coût. Le Conseil d’État (7 avril 2010),

Nul besoin d’être avocat pour considérer ce changement de loi comme humainement monstrueux en ce qu’il condamne froidement à mort un certain nombre de personnes qui, bien qu’étrangers, n’en sont pas moins des êtres humains. A moins que ce ne soit plus le cas ?

La déchéance de nationalité : remettre en cause l’égalité de tous les citoyens

Vous semble-t-il admissible de multiplier les hypothèses de déchéance de la nationalité française à l’encontre des Français naturalisés ?

Vous savez très bien que cela accrédite l’idée que les « Français de souche » sont plus français que les « Français » par acquisition, et que les « droits du sang » l’emportent ainsi sur le « droit du sol ».

La déchéance de nationalité est une mesure inefficace et anti-républicaine. Elle est inefficace car aucune sanction n’est dissuasive. La fonction de la peine est de sanctionner et de réparer. Elle est anti-républicaine car, en établissant une hiérarchie entre les Français, elle remet en cause la communauté juridique fondée par le peuple : une et indivisible. Il ne peut y avoir de catégories de français soumis à des droits et sanctions différents. Adopter une telle disposition, c’est remonter aux années 1930, époque à laquelle les hypothèses de déchéance étaient nombreuses, voie sur laquelle Vichy s’est alors précipité.

Dans un registre connexe, le projet de loi impose de nouvelles conditions d’« assimilation » aux candidats à la nationalité française. Si le terme « assimilation » a longtemps été utilisé dans le Code civil, on lui préfère aujourd’hui celui d’« intégration ». Il désigne la capacité de la France à accepter les différences. N’êtes-vous pas inquiet de cette régression conceptuelle, indice d’un repli sur une prétendue « identité nationale » ?

Même expulser les étrangers en situation légale ?

Passerez-vous à côté de la possibilité pour les préfets de reconduire à la frontière (expulser) les étrangers titulaires d’un titre de séjour depuis moins de trois ans car ils sont « passibles de poursuites pénales » (donc pas forcément poursuivis ou condamnés ?) pour diverses infractions dont « occupation illégale de terres publiques ou privées » ?

Cela signifie que, pour les étrangers, la légalité du séjour n’est, une fois acquise, pas un droit. Cela devient un prêt. Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy s’était déclaré opposé à la « double peine » : au nom de l’égalité, il ne faut pas ajouter une expulsion discriminatoire à la condamnation des étrangers dont l’existence est établie en France. Et puis on pourrait renvoyer dans leur pays d’origine les étrangers qui ont obtenu un titre de séjour. N’êtes-vous pas troublé par cette contradiction? Ne pensez-vous pas que, sous prétexte de lutter contre l’insécurité, le gouvernement vous propose encore quelque chose qui fait penser à l’apartheid ?

Pensez également à une autre contradiction. Dans le projet de loi, diverses dispositions renforcent les conditions d’intégration pour l’accès au séjour ou à la nationalité. Pensez-vous que la menace d’expulsion facilitera l’intégration des étrangers régularisés depuis moins de trois ans ?

Des fictions juridiques pour interdire l’entrée en France et pénaliser les demandeurs d’asile

Allez-vous laisser l’Etat inventer des fictions, c’est-à-dire des situations sans rapport avec la réalité (c’est-à-dire des mensonges), pour empêcher l’admission en France d’étrangers censés avoir récemment franchi ses frontières ?

Le gouvernement vous demande le droit de considérer que des étrangers découverts n’importe où sur le territoire national, y compris dans le Massif Central, seraient à la frontière, à condition qu’ils constituent un groupe d’au moins dix personnes et que l’on puisse supposer – sans aucune certitude – qu’ils viennent d’arriver. Dans ces conditions, ils seraient traités comme s’ils étaient à la frontière et susceptibles d’être placés dans une « zone d’attente », cet espace déjà fictif inventé en 1992 puisque, bien qu’en France, il s’agisse d’un « espace artificiellement défini comme hors du territoire français, ce qui permet de réduire les droits de ceux qui y sont enfermés.

Première remarque : une fiction en appelle d’autres. Depuis 1992, les zones d’attente sont fixées et, lorsque l’administration veut en créer une nouvelle, elle doit prendre une décision réglementaire. Avec l’invention de la zone d’attente élastique, il n’y a même plus besoin de décisions. Tout espace est potentiellement transformable à tout moment en salle d’attente par un simple constat de police. Vous demandez-vous

si la France ne devenait pas ainsi un État policier ?

Deuxième remarque : il ne vous aura pas échappé que l’invention de ce « sac à dos frontière » est née de l’arrivée, en janvier 2010, de 123 Kurdes de Syrie qui ont débarqué en Corse pour demander l’asile. Vous savez que la Syrie ne reconnaît pas la citoyenneté de ces Kurdes qui souffrent de persécutions notoires. Le gouvernement vous invite donc à refuser l’accès à l’asile aux étrangers persécutés chez eux. Si vous votez pour cette disposition, vous savez qu’elle s’appliquera notamment aux Afghans, Erythréens, Irakiens, Soudanais, etc., traqués de la frontière italienne à Calais. Bref, il s’agit de faire reculer, avant d’avoir examiné leur situation, les étrangers en quête de protection. Voulez-vous vraiment cette tricherie évidente sur les obligations internationales en matière d’asile ?

Asile que nous vous invitons à affaiblir davantage par d’autres dispositions au motif que l’augmentation du nombre de demandeurs est due à l’abus et au détournement de la protection internationale. Cependant, toutes les nouvelles mesures qui sont soumises à votre approbation (notamment la fixation d’un délai pour demander l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile) ont en commun de compliquer artificiellement les conditions d’examen de leur situation. En clair, il s’agit d’empêcher les demandeurs d’asile d’expliquer les raisons de leurs craintes. Est-ce une manière juste de légiférer sur l’asile ?

D’une aliénation maniaquement sophistiquée à l’instauration du bannissement

Vous avez peut-être sauté lorsque vous avez lu le terme « frénésie » ci-dessus. Mais quel autre mot dire à la lecture du projet de loi en matière d’expulsion ? Avez-vous compté le nombre de nouvelles dispositions qui tendent à enfermer les étrangers et leurs défenseurs dans un labyrinthe d’embûches qui ont toutes en commun d’accélérer leur expulsion et de les priver du droit de se défendre ?

Vous êtes-vous demandé à quoi bon allonger la période de détention de 32 à 45 jours ? Certes, cette extension est permise par la directive dite « retour » de l’Union européenne (relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier). Avez-vous interrogé les experts pour qui cet allongement est inutile ? La plupart des expulsions ont lieu, en fait, au cours de la première semaine de détention. Au-delà, c’est une punition. Cependant, la détention n’est pas un internement punitif. C’est une dérogation à la loi.

Le rétablissement de l’« interdiction » – le projet de loi la qualifie d’« interdiction de retour » – pendant deux à cinq ans au niveau européen ne vous dérange-t-il pas ? On peut s’attendre à ce qu’il soit largement utilisé. Il en résultera un tel désespoir que les révoltes, les automutilations et les suicides en détention augmenteront inévitablement, ainsi que les résistances à l’embarquement. Les demandeurs d’asile ne pourront plus rentrer, y compris en cas de crise dans leur pays.

Autre cause de désespoir : l’ensemble du système limite considérablement les possibilités de régularisation. Toute personne n’ayant pas exécuté une décision d’expulsion n’aura aucune chance d’obtenir un titre de séjour, quelle que soit sa situation personnelle ou la durée de son séjour en France. Êtes-vous conscient que tout cela contribuera à augmenter le nombre de sans-papiers, le travail au noir et la pauvreté ?

Outre-mer à l’étranger

Comme d’habitude, l’Outre-mer est une terre d’exception. Le projet de loi confirme que les étrangers expulsables sont privés d’un recours suspensif contre les décisions d’expulsion. Seul un résumé déposé en un temps record peut (rarement) combler cette lacune.

Des dérogations également aux normes en vigueur ailleurs en matière d’arrêts et de contrôles des véhicules. Le projet de loi étend le régime d’exception déjà appliqué en Guyane (presque tout le territoire habité) et en Guadeloupe (dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée un kilomètre en dessous) à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Sur tous ces territoires, sont licites : a) les contrôles sommaires des véhicules, à l’exception des voitures particulières, « en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l’entrée et au séjour » et l’immobilisation du véhicule pendant quatre heures dans l’attente des instructions de le procureur; b) une sanction spécifique pour le délit d’« aide à l’entrée ou au séjour d’étrangers » par la « neutralisation de tout moyen indispensable à l’exploitation » des véhicules terrestres et aéronefs ayant servi à commettre une infraction contre ce délit lorsqu’il n’existe pas d’autre mesures visant à empêcher la répétition de l’infraction (art. L. 622-10 du CESEDA).

Le plus simple et le plus juste ne serait-il pas de supprimer toutes ces spécificités du droit des étrangers dans les territoires d’Outre-mer qui permettent de les contester et de les supprimer sans même bénéficier des (trop faibles) protections législatives en vigueur en France métropolitaine ?

* *

Nous aurions pu vous signaler bien d’autres dispositions inquiétantes. Il nous a semblé essentiel de vous inviter à une réflexion personnelle à partir de quelques points particulièrement révélateurs de ce que nous considérons

r être une dérive et même un tournant. L’inégalité des droits entre Français et étrangers n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c’est sa systématisation et son extension aux droits fondamentaux : entrave à l’accès effectif au juge protecteur des libertés individuelles au moment de l’expulsion ; l’accès aux soins pour les malades ; remise en cause de la nationalité, atteintes indirectes au droit d’asile ; etc.

Le projet de loi défendu par M. Besson doit susciter une vigilance particulière de votre part. Elle renforce la politique de dissuasion migratoire de manière brutale et sans plus d’efficacité qu’avec les réformes précédentes. Cette orientation, pour nous répréhensible en elle-même, expose la France aux critiques européennes et internationales, comme on vient de le voir à l’occasion des expulsions sélectives de Roms. Nous espérons que, même si vous ne partagez pas toutes nos critiques, vous ne voulez pas que la France finisse par être mise au ban de l’Etat de droit.

En tant que parlementaire libre de ses choix, puisque selon la Constitution aucun mandat impératif ne peut vous lier, vos choix ne peuvent vous être dictés que par votre conscience.

C’est dans cet espoir que nous vous avons écrit.

Pour une analyse plus détaillée du projet initial du gouvernement

– Analyse collective de la loi « Besson » du 30 mars 2010 « relative à l’immigration, l’intégration et la nationalité »

ADDE, Acat France, Anafé, CFDA, Cimade, Fasti, Gisti, InfoMIE, Migreurop, MOM, Association Primo Levi, SAF, Syndicat de la magistrature

– UCIJ : Pourquoi il faut lutter contre le projet de loi Besson « relatif à l’immigration, l’intégration et la nationalité »

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